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Et si on sautait le petit déj'

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On nous rabâche depuis des années qu'il faut manger le matin. « Manger comme un roi le matin, comme un prince le midi et comme un mendiant le soir ». Des gens très bien, comme la doctoresse Kousmine, ont adopté cet adage et je ne voudrais pas les contredire complètement, mais je suis surpris de voir à quel point on prend ce conseil à la lettre et atterré par le ton culpabilisant de cette injonction. A force de l'entendre, on finirait par croire qu'il s'agit d'une vérité révélée. Alors malheur à ceux qui ne mangent pas ou très peu le matin ! J'en suis, et je connais bien des gens qui se contentent d'un café, d'une boisson quelconque et de quelques fruits secs, comme moi. Sans parler de ceux qui pratiquent le jeûne intermittent. Au total 1 adulte sur 5 est concerné. A écouter ces intégristes, nous serions donc les lépreux de l'hygiène alimentaire.

Une validation scientifique plus que douteuse

Ce sacro-saint commandement est pourtant loin d'être validé scientifiquement. Et j'observe que dans les pays où l'on mange le plus le matin, comme chez nos amis américains, obésité, maladies cardiovasculaires et diabète atteignent des sommets. Mais, partout, on préfère rappeler à l'ordre ceux qui s'abstiennent de manger au petit-déjeuner. Que penser de cette étude de la Harvard School of Public Health publiée en juillet dernier qui incitait fortement les hommes à se conformer au dogme en mettant en avant un risque augmenté de 27% d'être frappés par une attaque cardiaque ou de mourir d'une insuffisance coronarienne chez ceux qui démarrent la journée à jeun. De nombreux médias ont relayé les conclusions de cette étude les yeux fermés... L'étude "épidémiologique" en question avait pourtant l'air de savoir d'avance quelles seraient ses conclusions. Sa méthodologie présente en particulier de nombreux biais dont celui de n'avoir presque pas pris en compte les autres facteurs qui pourraient provoquer une crise cardiaque (tabac, télé, stress). Les chercheurs ont d'ailleurs paradoxalement admis qu'aucune association ne pouvait être détectée entre le nombre de repas quotidiens et le risque cardiaque... Mais cette étude bancale allait dans le sens du marché et c'est tout ce qui a compté.

C'est notre métabolisme et lui seul qui prévaut

De nombreux mmédecins ont mis un bémol à cette étude. C'est le cas du Pr Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition de l'Institut Pasteur à Lille, qui a fait remarquer que « ce n'est pas en se privant de petit-déjeuner qu'on va inverser son risque cardiovasculaire ». Et d'ajouter qu'« il y a des personnes qui ont pris le pli de sauter le petit-déjeuner et à qui cela convient très bien pour des raisons métaboliques. » Le Dr Nicolas Danchin, cardiologue du Centre Georges Pompidou, a pour sa part résumé l'affaire : « Il n'y a pas de cause à effet » ! Quant à ce qui est mangé au petit-déjeuner dans l'histoire, cela n'intéresse personne : bacon grillé avec ?uf au plat, brioche industrielle avec acides gras trans et sucre blanc raffiné... ou fruit avec yaourt... ou crème Budwig ? C'est pourtant le point-clé me semble-t-il. Sauf si l'on est travailleur de force ou jeune sportif, je prétends pour ma part que l'on mange trop le matin et mal.

Prenons un seul exemple, celui du sucre

Dans les écoles, un malaise général s'abat sur les élèves et les maîtres à 11h du matin. Pourquoi cette crise collective d'hypoglycémie ? Parce que les protagonistes ont abusé de sucres au petit-déjeuner, même sans le savoir. Il y a le sucre de la confiture, facile à éliminer mais il y a surtout des sucres cachés : dans les jus de fruit stérilisés, les céréales, le pain, les produits laitiers mais aussi à travers une cuisson excessive qui transforme les glucides complexes en glucides simples... Et ces sucres cachés, à eux seuls, font déjà d'énormes ravages.

Les vertus d'un petit-déjeuner frugal

Je suis de ceux qui se contentent de boire un grand café sans sucre et un fruit cela et je ne m'en porte pas plus mal (j'évite en tout cas les crises classiques d'hypoglycémie). Mais pour me rassurer j'ai confronté mon point de vue à celui d'une nutritionniste réputée mesurée, Christine Bouguet-Joyeux*, à l'occasion d'une récente rencontre. Elle a validé ce que je viens de vous dire en m'expliquant que nous sommes tous différents et que ce qui compte, ce n'est pas un petit-déjeuner riche et lourd mais un petit-déjeuner tonique, à la mesure de chacun et de son activité. A la base, la plupart d'entre nous, relativement sédentaires, n'avons pas besoin de grand chose « métaboliquement parlant » : Il faut surtout boire : il est important de s'hydrater au réveil pour relancer l'activité rénale. Les urines du matin, foncées, doivent rapidement redevenir claires. Et pour se sustenter, outre la cuillère de miel dans la boisson (ou de sucre non raffiné riche en oligoéléments comme le rapadura ou la mascobado), un fruit frais, accompagné d'une poignée de fruits secs, suffit à tenir jusqu'au repas de midi. Mais cette dame qui avoue aussi petit-déjeuner très frugalement m'a longuement parlé des méfaits du dogme du « repas de roi » mal compris. Dans la foulée, elle m'a envoyé une liste de points à ne pas négliger et, pour ceux qui ont de l'appétit le matin, un menu-type de petit-déjeuner de santé.

Voici les trois conseils valables pour tous

  1. Prenez le temps pour consommer votre petit déjeuner de manière à bien le digérer et l'absorber, sans stress, et en respectant la phase première de la digestion : il faut bien mastiquer/saliver pour obtenir une fluidité suffisante de nos aliments au passage de l'?sophage, conduit souple et plat qui souffre des morceaux insuffisamment écrasés. Ceux-ci vont forcer l'estomac à un travail pénible et à une sécrétion excessive d'acide gastrique, sources de lourdeur, de brûlures et de reflux.
  2. Avalez quelque chose de consistant, indispensable pour obliger à mastiquer.
  3. N'optez que pour le naturel, c'est-à-dire des produits complets et non industriels, sans cuisson excessive, pour éviter les déséquilibres en particulier de la glycémie, et les carences, dont celles en vitamines, magnésium, fer et zinc. »

Et si vous avez besoin d'un petit-déjeuner consistant

Ce n'est pas parce que je n'ai pas faim le matin que tout le monde doit obligatoirement être comme moi. Certains ont besoin d'un petit déj' consistant. J'ai donc demandé l'avis de Christine Bouguet-Joyeux. Dans ce cas « le petit-déjeuner doit être complet et varié dans ses composants, afin d'être suffisamment rassasiant et énergisant pour permettre de tenir le coup sans hypoglycémie jusqu'à midi, repas souvent avalé sur le pouce dans le stress, en attendant le retour chez soi plus au calme pour dîner en famille. En gros voilà son programme pour les affamés du matin que vous pouvez adapter à votre propre appêtit :
  • Une boisson chaude = 500 ml de thé vert ou tisane de plantes toniques (thym, romarin...) sucrés avec une cuillerée à café et demie de miel.
  • Un quart (25 gr) de fromage de chèvre ou brebis sec à bien mastiquer ou bien 1 ?uf à la coque.
  • 1 céréale ou assimilée (pain complet bio, ou flocons naturels y compris millet, quinoa, sarrasin, ou galettes de farine de sarrasin ou millet, ou pain des fleurs...).
  • Avec du miel, un peu de beurre plutôt de brebis, ou huile d'olive, ou de la purée de sésame, noisette ou amande.
  • 2 fruits frais de saison ; éviter les jus de fruits surtout en bouteille ou pack, pas de compote sauf de fruits crus.
  • une poignée de fruits secs, au besoin trempés depuis la veille au soir pour faciliter la mastication avec noix, noisettes, amandes, raisins secs. etc.
A dix heures, ajoute-t-elle, on peut couper une matinée un peu longue en croquant une pomme avec peau (lavée ou bio), ou une poignée de fruits secs. Pour conclure, voici les résultats d'une autre étude publiée également en juillet (dans la revue « Physiology and Behavior ») mais sur laquelle tout le monde a fait l'impasse : selon les scientifiques de la Cornell University, sauter le petit-déjeuner peut constituer un moyen efficace de réduire les apports énergétiques chez certains adultes et donc faciliter la perte de poids. Les chercheurs ont constaté que le fait de sauter le petit-déjeuner n'induisait pas une compensation sur les autres repas et que par conséquent les apports énergétiques quotidiens totaux étaient réduits... Compte-tenu de l'épidémie de surpoids qui se répand, certains Français seraient donc bien avisés de sauter régulièrement le petit-déj. Et au lieu de faire une fixette sur le dogme des 3 repas par jour, on ferait mieux de s'inquiéter de la qualité de ce que l'on met sur sa table.

Dominique Vialard, avec l'aimable participation de Christine Bouguet-Joyeux

* Christine Bouguet-Joyeux est l'auteure de plusieurs ouvrages aux Editions FX de Guibert et du Rocher :
  1. Guide pratique de Gastronomie familiale ? l'Art et le Plaisir sur la Santé  (2ème édition 2009).
  2. Tout à la vapeur douce ? 100 Nouvelles recettes (2006).
  3.  Je cuisine en chantant pour ma Santé (pour les 4-12 ans)- sous presse.
  4. En route vers la cuisson idéale ? sous presse.

Les deux études sont disponibles aux liens suivants : - Pour la première : http://circ.ahajournals.org/content/128/4/337.abstract?sid=d9d059a9-2174-4adb-beca-9347c303d976 - Pour la seconde : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0031938413001479

 

Ces conseils ne vous dispensent pas de consulter en premier lieu un médecin pour établir un diagnostic. Vous pouvez également vous faire accompagner par un thérapeute en médecine complémentaire. Pour en trouver un près de chez vous, rendez-vous sur annuaire-therapeutes.com