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Soleil vert sur nos assiettes

C'est à peu près tenu pour acquis par les industriels et les cuisiniers, oui la viande va disparaître de nos assiettes ! Manger un steak-tartare sera bientôt un acte de résistance civile. Car la pression sociétale s'inverse sensiblement sous l'influence de nombreux leaders d'opinion végétariens qui les uns après les autres font leur « coming-out ». Petit à petit, la prophétie de l'auteur du « Cru et du Cuit », ce grand humaniste qu'était Claude Lévi-Strauss, se rapproche de la réalité : « Un jour viendra où l'idée que, pour se nourrir, les hommes du passé élevaient et massacraient des êtres vivants et exposaient complaisamment leur chair en lambeaux dans des vitrines inspirera sans doute la même répulsion qu'aux voyageurs du 16ème ou du 17ème siècle les repas cannibales des sauvages... » Au premier abord, cela ressemble à une bonne nouvelle pour la santé humaine, pour le monde animal et pour la planète. Mais pour l'immense majorité des populations, c'est un autre cauchemar qui se profile... Car compte-tenu de l'appétence carnivore d'une clientèle encore majoritaire, par quoi va-t-on remplacer la viande ?

Les végétariens succombent

Né au début des années 2000, le marché de la viande artificielle a dépassé en 2011 le milliard de dollars de ventes, avec un taux de croissance de 20 à 25%. Une demi-douzaine de compagnies, essentiellement nord-américaines, se partagent le morceau : Beyond Meat, Field Roast, Garden Protein International... Ces « viandes » sont fabriquées par pulvérisation, micronisation, fermentation, extrusion, etc. à partir de cultures in vitro de cellules souches de bovin dans des tissus musculaires, à partir de poudres issues de soja (transgénique ? allez savoir, ce n'est plus qu'un détail...), de petits poix, de mycoprotéines (de champignons), etc. Rien de ragoûtant. Et pourtant, le discours de ces Findus de demain est tellement percutant que même les végétariens y succombent. Outre-Atlantique, les 5% de végétariens ont mordu à l'hameçon : les produits à base de substituts de viande, appréciés pour leur teneur en protéines, pèsent pour 70% de leur panier... Ce discours est tellement prometteur que les plus grandes sociétés de capital-risque et les visionnaires du moment investissent dans ces « foodmakers », à l'instar de ceux de Twitter ou de Paypal qui soutient par exemple Modern Meadows qui met actuellement au point une imprimante 3D de viande. C'est tout bête : il suffit de remplacer l'encre par une mixture de cellules...

Une pilule facile à avaler

Les principaux arguments de ces sorciers de l'alimentation vont tous dans le sens de lendemains meilleurs. A l'américaine. Il s'agit :
  • de préserver la santé humaine des méfaits de l'industrie de la viande, des antibiotiques et hormones de croissance dont on gave les animaux...
  • de protéger le monde animal, en vous rappelant que l'homme abat 1 600 mammifères et oiseaux chaque seconde pour se nourrir selon la FAO,
  • de nourrir la population mondiale dont l'inexorable progression va entraîner un doublement de la demande en viande d'ici 2050,
  • de réduire l'empreinte de l'homme sur la planète, l'élevage contribuant à 20% des émissions mondiale de gaz à effets de serre et pompant une eau de plus en plus précieuse.
  • d'offrir un vaste choix au consommateur en répondant à toutes ses attentes.

« Soylent » m'a tué...

C'est sur cette vague « éthique » que surfe Rob Rhinehart, un jeune Américain de 24 ans à la tête de Soylent Corporation. Cet ingénieur estime qu'on peut se passer de manger et l'a prouvé, grâce à un concentré de vitamines, de minéraux, d'acides aminés, de calories, d'huile d'olive et de poisson qui ne contiendrait que des ingrédients approuvés par la FDA, sans la moindre toxine... L'impétrant a réussi à lever des fonds et annonce la mise en rayon de son produit dès le mois d'août aux Etats-Unis. Rhinehart entend apporter au client, pour quelques dizaines d'euros par mois, de quoi se nutrimenter. Soylent Corp. peut faire sourire mais sa proposition est prise au sérieux dans un pays où l'on mange à la vitesse de l'éclair en travaillant et où 40% des plus de 20 ans sont obèses. Ils s'entendent aussi dans un monde où 1 personne sur 7 souffre de malnutrition et où les ressources s'épuisent. Avec Soylent, pas de culture, pas d'élevage, pas de cuisson, pas de vaisselle... bref que de l'écologique à défaut de naturel. Mais dans cette histoire complaisamment relayée par la presse française (qui y voit « la fin des aliments solides »), personne n'a relevé la monstruosité... Soylent (contraction de Soybean-Lentil, lentille de soja) est un nom dont se souviennent tout ceux qui ont vu le film « Soleil Vert ». Ce film des années 70 dont l'action se déroule en 2022 a marqué ma génération : on y voit des hommes et des femmes affamés par la disparition des terres cultivables et le prix exorbitant des aliments naturels. Une humanité nourrie par la multinationale agroalimentaire Soylent dont l'aliment de synthèse - c'est le secret de l'intrigue - est fabriqué à partir de cadavres humains. On n'a plus qu'à espérer que ce maître du cynisme ne devienne pas le Mark Zuckerberg (Facebook) de la cyber-bouffe.

Du « bio » tout synthétique...

Tout cela semble absurde. A-t-on pensé une seconde aux effets délétères de ce genre d'alimentation sur le métabolisme humain ? Que deviendront nos bouches, nos dents, nos estomacs, nos corps sans nourriture solide et avec ses bouillies de protéines reconstituées ? Et pourtant, à l'heure où la Nasa elle-aussi investit dans un projet d'imprimante 3D de pizzas... la menace est bien réelle. Voilà déjà un certain temps que le « raw » et l' « organic » le cru et le bio tirent le secteur de la restauration en Amérique du nord (Canada compris) au point de bousculer la suprématie des fastfoods vieille génération. Dans les mégapoles américaines, on peut traverser des quartiers entiers de restaurants végétariens et on trouve presque autant d'enseignes d'« organic food » que de Mc Do et consorts. Mais on ignore souvent que ces mêmes chaînes de restauration bio sont les premiers clients de cette industrie du « bio synthétique ». Et chez nous ? Croire que nous sommes à l'abri serait trompeur. Les fastfoods sont aujourd'hui les premiers recruteurs de France. C'est dans la conquête extérieure qu'ils préservent désormais leurs profits. Et à pays en crise, bouffe prémâchée. La restauration artificielle ne s'est jamais aussi bien portée. Quant aux visions de Thierry Marx dont j'avais oublié de vous dire qu'il est végétarien, s'il est peu probable qu'elles chamboulent les valeurs affichées de la Tradition culinaire française, il est certain qu'elles annoncent dans les dix ans à venir les faux produits et ingrédients « de santé » qui déferleront dans nos hypermarchés et dans nos assiettes. La fin programmée de la vraie viande est bien une bonne nouvelle pour tout ceux qui peuvent s'offrir le privilège d'une alimentation saine et choisie et qui pourront continuer à le faire. Pour les autres, et je pense à nos enfants, sauf à rejoindre la Résistance locavore ou à devenir insectivore (mouais)... le champ des alternatives va encore se réduire !

Dominique Vialard

Ces conseils ne vous dispensent pas de consulter en premier lieu un médecin pour établir un diagnostic. Vous pouvez également vous faire accompagner par un thérapeute en médecine complémentaire. Pour en trouver un près de chez vous, rendez-vous sur annuaire-therapeutes.com